vendredi 5 mars 2010

Comment sait-on que notre réalité est déformée? Déformée par rapport à qui? À celle de nos proches? Et puis d'ailleurs, comment pourrions-nous diable le vérifier? Sommes-nous dans leur tête à valider que ce que contient la nôtre constitue de la courbe moyenne de Joe The Plumber??

Je ne sais pas si la truculente Sarah serait contente d'être citée dans un tel contexte...

Et dans le fond, si ma réalité est déformée, est-ce bien grave?

Qui décide que ce que je ressens ou perçois est tordu? Si lorsqu'en contact avec mes synapses toute forme de pensée prend instantanément une forme liquide et rougeâtre mais, qu'en contrepartie, je me coiffe comme tout le monde et que j'arrive à manger avec une fourchette et à mettre des points aux bouts de mes phrases; on osera néanmoins me lancer la première pierre?

Oui, oui, j'aboutis.

J'ai vu Lipsynch cette semaine. Comme dab, Robert Lepage y exploite une foule de petits procédés ingénieux qui, en plus de faire honneur à notre intelligence, nous permettre de pénétrer la psyché de ses personnages.

Je pense en particulier à Michelle, la libraire schizophrène. On est en extérieur, on la voit évoluant dans son commerce. Dès qu'elle n'interagit pas directement avec un client, ses démons se collent à la vitrine pour venir la tourmenter. Ils vont et viennent, presque d'un pas de danse, au fur et à mesure que Michelle est sollicitée par sa clientèle.

Scène suivante, coup de théâtre (c'est le cas de le dire): Lepage bascule la scène à 180 degrés pour nous la rejouer de l'intérieur du commerce. On a maintenant droit aux dialogues avec les clients. Les démons, maintenant muets, se collent à la vitrine comme ils peuvent. Pour le spectateur, leur impact dans le récit s'en trouve alors grandement minimisé et c'est là justement où le génie du grand Robert déborde de la prouesse technique: il vient de nous faire comprendre qu'en apparence, Michelle a le vernis de la fille normale pour les étrangers qui la côtoient.

Les cinglés sont parmi nous. À quel point, on ne saurait le dire. Si j'arrive à taire mes démons en me convainquant qu'ils ne sont pas plus terribles que les vôtres, comment pourrez-vous alors même les soupçonner?

Et puis, si j'avais envie de les laisser aller un peu... Si GlaxoSmithKline arrive à faire des profits sans moi, pourquoi pas????

J'ai toujours pensé qu'un peu de folie nous permettait une certaine gymnastique mentale que le mortel s'accrochant frénétiquement à la courbe du Joe Normal n'envisagera même jamais.

Tant pis pour lui.

Et puis les vrais fous champions toutes catégories nous obligent à remettre en question tous nos schèmes de pensée et ÇA, c'est vachement précieux.

Tout le monde sait que dans un monde idéal, chacun devrait être doté d'un avocat, d'un plombier, d'un médecin et d'un mécanicien dans son entourage proche afin d'éviter d'être régulièrement floué.

Mais nous semblons avoir oublié le fou, celui qui nous préserve de la médiocrité intellectuelle.

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