samedi 27 novembre 2010

Etre deux sur le banc.

Regarder en avant, dans la même direction que l'autre.

Cote à cote.

Comprendre ses regards puis se livrer dedans, s'y abandonner.

Lui confier ses peurs, ses fantasmes les plus fous.

Discuter des nuits entières dans l'obscurité d'une chambre à coucher.

Lui ouvrir les portes de son jardin secret.

Le voir jouir, pleurer.

Avoir quelqu'un dans qui s'enfouir.

Quelqu'un à qui raconter ses cauchemars pour les exorciser.

Remplir ses poumons du parfum de son oreiller pour compenser son absence.

S'entendre reprendre ses expressions favorites.

Puis un jour on envisage la vie différemment.

Son discours devient verbeux, rigide.

On lui fait mal, malgré une lointaine promesse.

On anticipe la prochaine nuit où l'on aura toute la place dans le lit.

On peste contre ses tics.

On l'envoie promener en parlant entre ses dents.

On le dénigre devant ses amis.

On ne cherche plus sa main en prenant une marche.

On n'offre plus de faire des crêpes le dimanche matin.

Quelqu'un a claqué des doigts à un moment donné et on s'est réveillé tout seul sur le banc.

On n'a jamais voulu voir l'autre assis sur le bout du banc, prêt à se lever.

samedi 13 novembre 2010


C'est généralement de cette jolie création humaine que je choisis de me gratifier lorsque vient le moment de me couper du reste de l'univers.

Me voici pourtant entourée d'humains. Mais je ne souhaite pas leur compagnie, au contraire. Je me scotche de la musique aux oreilles afin de ne pas être abordée. Je suis là pour observer les bipèdes, pas pour frayer avec eux.

Je veux jouir tranquille du spectacle du grand cirque homo-sapiens.

Si je pouvais être invisible, ça ferait mon affaire.

À défaut de mieux, je reste tapie dans un coin stratégique, en bougeant le moins possible.

J'aime regarder l'homme de la rue. Il est si intéressant lorsqu'il ne se sait pas scruté et analysé.

Les couples qui marchent main dans la main et ceux qui marchent l'un en arrière de l'autre, un vague reproche dans le regard.

La fille avec les longues jambes nues traverse la rue d'un air faussement offusqué d'être l'objet d'attention masculine.

Le gars au capuchon qui quête au feu rouge forme des 8 en zigzaguant entre les voitures. On dirait presque qu'il répète une chorégraphie.

La fille à la terrasse espère visiblement quelqu'un qui ne se manifestera pas: elle passe son temps à sillonner la rue du regard et ça fait plus d'une demie-heure qu'elle tient la même page 2 de son cahier Arts et Spectacles.

La fille avec le long chandail plein de trous a visiblement le béguin pour le grand maigre avec qui elle discute car elle n'arrête pas de jouer avec ses dreads.

Une dame marche trop vite pour ses petites jambes et tire frénétiquement sur sa jupe qui se relève à chaque pas.

Un type me dévisage avec un air de défi lorsqu'il constate que je l'observe.

Il va céder et regarder ailleurs avant moi.

Je sais que c'est vachement pas poli mais c'est très apaisant de faire ça. Ça me rassure sur mes semblables qui me dévoilent alors toutes leurs failles et leurs vulnérabilités.

Quand l'humain est humain.

samedi 6 novembre 2010


C'est ainsi que je l'adore.

La décrépitude menaçante.

C'est ça l'automne. La plus belle des saisons.

Celle où il faut être courageux.

Enterrer ses rêveries estivales, boutonner son manteau.

Renoncer à la légèreté. Affronter les défiants éléments.

La mort travestie dans de chaudes couleurs.

L'odeur des feuilles putréfiées, le fond de l'air frais. Les feuillus nus.

La bouette. Partout.

Les chats fuyant les trottoirs pour se réfugier sous les bagnoles.

Le reniflage incessant.

Le piéton immobile qui inconsciemment martèle le sol de ses pieds gelés.

Il règne dans l'automne la plus jolie des nostalgies.

On renonce, lentement. On se barricade dans nos foyers.

On se sent piégés.

Pourtant l'air est si bon.