dimanche 20 février 2011

Vous savez cette agaçante question que tout le monde s'est fait poser à un moment donné:

«Si tu devais renoncer à un sens, lequel serais-tu le moins malheureux de perdre???»

Moi je choisis en général de me la poser à l'envers et de plutôt me questionner sur celui qui représenterait une plus grosse perte de jouissance dans ma vie.

Et non, ce n'est pas la vue.

Bien que je trouve tout parfait dans cette image: la texture du cuir sur la dragonne, la subtilité du Canon qui se reflète dans mon vieux Konica, le sursaturation générée par la loupe ou le fait qu'il s'agisse d'un média visuel représentant un média visuel, je crois que j'arriverais aisément à graver cette image dans mon disque dur vieux de 40 ans en en conservant à jamais tous les détails.

Mais je ne crois pas que mon pouce arriverait à se rappeler de l'effet de la cuirette recouvrant le boîtier ou de la tension ressentie lorsqu'on recharge le film ou de tout autres de ces belles manipulations propres à un 35mm.

Je n'arriverais certainement pas non plus à me remémorer la dureté de mes quadriceps après 9 km de course.

Ou de la sueur qui vous chatouille en vous coulant dans le dos.

De ce couloir de vent rafraîchissant à l'approche d'un train, dans le métro.

De l'étreinte dispensée à cette robe en velours dans le magasin.

De l'autre qui vous touche, finalement.

Et puis il y a tous ces petits plaisirs masochistes que seul le toucher consent et que je risque d'oublier:

Les paupières lourdes lorsqu'on n'a pas assez dormi.

Le baume qu'on applique sur les lèvres qui brûlent depuis déjà un bon moment.

Masser un genou meurtri.

Les hommes mal rasés qui vous râpent les joues.

Plonger dans une piscine glacée.

Se gratter jusqu'au sang.

Il n'y a rien qui témoigne davantage de mon sentiment d'être vivante que l'empreinte indélébile laissée par trois milliards de stimulus sur mon épiderme.

dimanche 13 février 2011


Souvent, c'est l'impression que j'aimerais laisser.

Prenez-le comme vous voulez: extra-terrestre, malaise, monstre, tueuse en série.

Juste de quoi repousser loin, fort loin. Avoir cette tronche qui fait en sorte que les gens comprennent tout seul.

Mais bon, je ne pourrais pas me permettre ce joli masque tous les jours; y'a des gens fort chouette que j'aime avoir tout près, faut pas que je les effarouche ceux-là.

Je trouve qu'en général, on s'encombre beaucoup. De beaucoup de monde.

La vie passe si vite, pourquoi s'encombrer de parasites?

Tant d'obligations, de conventions, de contraintes, de qu'en dira-t-on...

Tant de fucking culpabilité.

Tant de temps perdu à nourrir les gens qui ne comptent pas pour nous.

Du temps perdu à ne pas bichonner ceux qui comptent vraiment.

Plus je deviens une vieille mégère déplaisante, moins ça me tente de faire semblant.

J'ai bien envie de commencer à traîner mon masque avec moi...

vendredi 4 février 2011

Ça c'est exactement le derrière de tête que j'avais moi aussi à 10 ans: de belles longues mèches comme les blés et lustrées comme le miel,

dit-elle en se bombant le torse.

Etre parent, c'est très pernicieux.

«Je suis fier de mon enfant», pfftttt....

On projette notre orgueil dedans oui...

Les parents me comprendront, enfin ceux qui ont encore un petit fond d'humilité.

Etre parent est un acte évolutionniste. Mais au-delà de l'évidence de la pérennité des gênes, moi c'est plutôt le mécanisme dans lequel s'opère ce travail de maintien de son espèce en particulier qui me fascine.

Toutes ces attentes démesurées, toutes ces ambitions frustrées reportées dans ces esquisses d'humains. Comment diable pourraient-ils se montrer à la hauteur de qu'on a hypocritement ourdi sous des couverts de «bonheur»?!

Bon, j'exagère, comme dab, mais vous pigez l'idée. Oui, ça prend une certaine dose d'abnégation, mais au final, on cherche à reproduire le meilleur de soi dans quelqu'un d'autre.

Convaincus de notre propre vertu, nous voulons tout leur inculquer, tout leur apprendre, tout leur dévoiler. On se sent investis d'une mission: en faire des humains remarquables. On se voit déjà vieux et fiers d'eux dans leur navette spatiale, avec le Goncourt ou le Nobel en main.

Puis un jour, ils deviennent des adolescents...