lundi 27 juin 2011

Vous avez beau entourer, encadrer, protéger, prévenir, l'individualité naîtra tôt ou tard.

Et quand elle commence à laisser des marques indélébiles sur un être a priori sans défense, ça devient fabuleusement fabuleux.

Fils me demandait récemment le sens du mot «autonomie».

-C'est toi qui sort de l'enfance, lui ai-je répondu.

Faire le pari de la confiance.

Celle qu'on témoigne à cet être inestimablement précieux et dont il s'efforcera de se montrer à la hauteur car il la sait combien précaire.

Et on la lui témoigne, malgré toutes les craintes et angoisses possibles parce qu'on flaire l'estime de soi, la détermination, la curiosité, l'affirmation et qu'on ne peut impérativement pas nier ces droits fondamentaux.

Ce n'est même pas de la fierté démesurée, c'est juste magnifique de voir son brin d'herbe progresser.

Devenir.

lundi 13 juin 2011

On peut s'inventer des milliards de raison pour justifier qu'on ne peut pas.

«Pas de mon âge, trop tard pour recommencer, je n'ai pas l'argent, le temps...»

Je sais pertinemment que ça sonne comme un affreux lieu commun, mais la plupart du temps la seule chose qui nous arrête, c'est nous.

Mais c'est affreusement difficile à admettre et à assumer.

Prenez cette jolie dame à 8 pattes.

Je me suis d'abord demandé comment diable elle avait pu pénétrer dans cette petite lampe photovoltaïque de balcon.

Ensuite, je me suis dit que c'était son problème et que je devais plutôt profiter du joli spectacle qu'elle m'offrait. Elle fit des tonnes de révolutions sur elle-même avec ses grandes pattes adhésives. J'ai pu croquer en images tous les petits recoins de son corps étrange. Elle s'agitait sans cesse, probablement affolée par la soudaine clarté que la pénombre avait déclenchée.

Puis elle se calma, se reposa au fond de la lampe. J'entrepris alors de l'aider à trouver une issue, peut-être une façon d'ouvrir la lampe.

Elle se hissa aussitôt au bout de ses longues pattes, puis l'une d'entre elles disparut je ne sais où. Puis une autre. Et ainsi de suite jusqu'à ce que son tronc se fonde à même le sol.

Je ne l'ai jamais vu émerger ailleurs. Par contre, le lendemain matin, il y avait des toiles partout sur mon balcon.

Je l'ai momentanément cru victime de sa curiosité alors que tout ce temps, elle demeurait parfaitement en contrôle de la situation.

Je sais que j'ai perdu des années qui ne reviendront pas à envier les moyens, les opportunités que les autres, ces chanceux, détenaient. Puis j'ai compris que le sort ne s'acharnait pas contre moi mais que c'était plutôt les autres qui faisaient leur chance.

Ils n'attendaient pas que la formule magique dans le biscuit chinois ne se réalise.

Maintenant, j'aime bien faire l'araignée dans la lampe photovoltaïque de temps en temps. Surprendre les autres avec des accomplissements dont je me croyais initialement incapable.

Lentement détruire les barreaux de ma prison intérieure.

mercredi 8 juin 2011

J'aurais mis sa main dans la mienne et pour être bien certaine d'avoir son indéfectible attention, je me serais collée si près qu'il n'aurait pas trop eu le choix que d'être dans le moment présent avec moi.

Et puis je lui aurais lentement décrit les tourbillons de sable au-dessus du fleuve. La tourmente dans la Grande Roue. Les vents si violents qui sifflent dans mes oreilles, retroussant ma jupette, ralentissant mon ascension. Les éclairs partout devant moi, imprévisibles, fascinants.

L'immanquable odeur d'ozone qui me prévient de l'imminence. Le besoin, le désir de courir mon retour. Franchir cette implacable monstre de métal avant que la foudre qui y menace chacune de mes enjambées ne se concrétise.

Je lui raconterais les automobilistes hystériques. Cette fille, absente, qui tourne autour de son véhicule fraîchement embouti par deux autres.

Je lui dirais combien je travaille à être là, dans ce point invisible devant moi, au loin. À être là et nulle part ailleurs.

Je lui décrirais mes yeux plein d'eau, mes cuisses qui brûlent, pleines d'acide lactique. J'insisterais sur mon corps torréfié par tout ce sable, sur mes cheveux emmêlés.

J'essaierais de lui faire comprendre cette puissance. Ce sentiment d'invulnérabilité quand je baigne dans cette soupe d'endorphine et d'adrénaline. Quand tous les éléments sont contre moi et que mes jambes continuent néanmoins à avancer, juste pour défier. Juste pour refuser de laisser quoi que ce soit m'arrêter.

Je lui demanderais s'il a déjà vécu cette sensation de ne plus être une enveloppe corporelle. Bien réveillée, bien à jeun, complètement là mais absolument pas dans son corps. Une détermination qui habite une machine en propulsion.

Peut-être arriverait-il alors à comprendre? Peut-être arriverait-il alors à me saisir?

La fois suivante, quand je m'agglutinerais contre lui, il ne ferait que sourire. Son regard conciliant excuserait tous mes excès d'intensité comme faisant partie de mon essence, ma couleur.

Sa force tranquille me tempèrerait jusqu'à ma prochaine poussée de folie.