mercredi 8 juin 2011

J'aurais mis sa main dans la mienne et pour être bien certaine d'avoir son indéfectible attention, je me serais collée si près qu'il n'aurait pas trop eu le choix que d'être dans le moment présent avec moi.

Et puis je lui aurais lentement décrit les tourbillons de sable au-dessus du fleuve. La tourmente dans la Grande Roue. Les vents si violents qui sifflent dans mes oreilles, retroussant ma jupette, ralentissant mon ascension. Les éclairs partout devant moi, imprévisibles, fascinants.

L'immanquable odeur d'ozone qui me prévient de l'imminence. Le besoin, le désir de courir mon retour. Franchir cette implacable monstre de métal avant que la foudre qui y menace chacune de mes enjambées ne se concrétise.

Je lui raconterais les automobilistes hystériques. Cette fille, absente, qui tourne autour de son véhicule fraîchement embouti par deux autres.

Je lui dirais combien je travaille à être là, dans ce point invisible devant moi, au loin. À être là et nulle part ailleurs.

Je lui décrirais mes yeux plein d'eau, mes cuisses qui brûlent, pleines d'acide lactique. J'insisterais sur mon corps torréfié par tout ce sable, sur mes cheveux emmêlés.

J'essaierais de lui faire comprendre cette puissance. Ce sentiment d'invulnérabilité quand je baigne dans cette soupe d'endorphine et d'adrénaline. Quand tous les éléments sont contre moi et que mes jambes continuent néanmoins à avancer, juste pour défier. Juste pour refuser de laisser quoi que ce soit m'arrêter.

Je lui demanderais s'il a déjà vécu cette sensation de ne plus être une enveloppe corporelle. Bien réveillée, bien à jeun, complètement là mais absolument pas dans son corps. Une détermination qui habite une machine en propulsion.

Peut-être arriverait-il alors à comprendre? Peut-être arriverait-il alors à me saisir?

La fois suivante, quand je m'agglutinerais contre lui, il ne ferait que sourire. Son regard conciliant excuserait tous mes excès d'intensité comme faisant partie de mon essence, ma couleur.

Sa force tranquille me tempèrerait jusqu'à ma prochaine poussée de folie.

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