dimanche 31 janvier 2010

Je suis un film lent et contemplatif. Je suis une scène au ralenti qui ne finit jamais.

En fait, je ne suis plus. Je ne suis rien. Si je ferme les yeux, je perds toute proprioception. Je ne sais alors ni où je commence ni où je m'achève...

Je suis un amoncellement de neurones hyper stimulés. Je n'ai plus d'enveloppe terrestre.

Je ne suis qu'une grosse molécule qui flotte.

Si je me risque à vérifier ma vérité corporelle, c'est pour me rendre compte que la salinité qui m'englobe me donne la délicieuse sensation d'être un déversement onctueux.

Ça ne peux plus être moi. De toute façon, comment vérifier alors que je ne ressens plus rien de ce qui me caractérise organiquement?

C'est ainsi que je me rend compte que mes pieds n'existent plus. Je valide néanmoins ma réalité terrestre via cette lueur bleue omniprésente. C'est le seul stimulus visuel qui me rattache encore à ma conscience d'être une mortelle.

Ça et le bourdonnement de mes pulsations cardiaques dans mes tempes. C'est la seule musique pour me rappeler que je suis chairs et viscères.

Je suis devenue inertie. Mes mains, au prix d'un effort surhumain, tentent d'atteindre le fond du bassin mais une incroyable force qui m'est étrangère les ramènent invariablement à la surface.

Je découvre qu'il est vain de lutter contre l'absence TOTALE de gravité.

Puisqu'il en est ainsi, je décide alors de devenir mon propre jouet. Mon doigt, ultime outil de mon divertissement, me propulse d'un bout à l'autre de mon cocon. Ce flux-reflux forme une vague éternelle qui me caresse délicatement la nuque. Mes cheveux déploient une lente traînée dans les flots qui m'enveloppent. Leurs reflets donnent un spectacle psychédélique dans la voûte de mon caisson.

À un certain moment, ça devient trop, je ne sais plus trop quoi ressentir. Peut-être que notre monde lourd et accablant, où je dois lutter pour mon confort, me manque?

Mais des heures plus tard, mon sevrage devient douloureux. Je suis hantée par mon cocon perdu. Je deviens William Hurt dans Altered States.

Mais sans le cauchemar.

vendredi 29 janvier 2010

Le 1er janvier, je vous ai parlé de mon calendrier de 15 mois.

J'ai découvert cette semaine que c'est une collègue, assise dans ma diagonale, qui de son côté a hérité du calendrier avec pas d'été 2010 dedans.

Je suppose que ce qu'on m'offrait, il fallait bien le voler à quelqu'un d'autre...

Je lui ai fait part de notre curieux point commun par rapport à 2010. J'ai même osé lui dire comment j'avais choisi d'interpréter ce hasard, au risque que ça devienne vachement déprimant pour elle.

Oui je sais, je carbure à la symbolique, j'en fais des tonnes avec ça, mais peu importe. Ça m'aura servi à être résolument décidée à ce que chaque journée compte. Je ne veux plus jamais me lever un matin en me disant de la veille que j'ai stagné.

Oui oui, je pousse, mais ce métro, c'est un peu comme toutes ces journées qui nous filent entre les doigts. Je ne veux plus le manquer sous prétexte qu'il y en aura toujours un autre, comme il y a toujours un lendemain. Chaque journée doit désormais m'être significative de quelque chose. Je me mets maintenant au lit le soir avec comme devoir l'obligation de me remémorer un épisode chouette de cette journée qui s'achève.

Et en passant, le métro sur la photo, il arrivait. Je l'attendais, je l'ai vu venir, rien ne m'a échappé. Je me rappelle vivement du contexte de cette photo, tout est ultra limpide. Ce fut un de ces moments en apparence banal qu'on sait pourtant inoubliable. Cette infime portion de ma vie s'est inscruté dans mon disque dur.

Chaque case de mon calendrier m'importe. Je vais me montrer à la hauteur de ce cadeau.

dimanche 24 janvier 2010

13 parapluies.

C'est le nombre requis pour improviser cette oeuvre d'art un samedi après-midi au Parc Lafontaine.

Une sphère qui pend à un arbre, un magnifique samedi d'hiver ensoleillé. Une oeuvre qui s'offre à tous les patineurs.

Pourquoi il fait ça? Sais pas, mais pourquoi pas?!

La démocratisation de l'art.

Sortez-le du musée, de la galerie et amenez-le aux gens.

Et si en plus c'est de l'art contemporain...

Parce qu'on peut s'improviser artiste. Dès qu'on laisse parler son génie, dès qu'on souhaite dépasser les conventions, dès qu'on cesse de s'inquiéter sur notre absence de talent formel.

Dès qu'on ose.

Ça c'est l'art tel que je l'aime. Celui qui est sincèrement à portée de tous. Celui dont la seule compétence nécessaire est un cerveau qui aime prendre des libertés avec la forme et les concepts.

Dès qu'on sent la volonté du hamster à sprinter, toujours plus vite, toujours plus loin.

Avoir le culot. Aimer déranger, bousculer les idées, les convenances.

Rendre hommage à l'intelligence des gens, investir dans leurs sens.

Ça c'est le piment de la vie.

vendredi 22 janvier 2010

Ça c'est la jolie laitière qui se trouvait dans ma galette des rois.

Une superbe amie, mi-Française, mi-d'ici m'a offert ce beau gâteau raisonnable la semaine dernière, se disant que je ne devais rien connaître de cette tradition peu répandue au Québec.

Comme dab, elle a fait mouche. Ça ne me disait à peu près rien, ça m'intriguait et j'avais évidemment envie de cette nouvelle saveur.

Bon, dans mon cas, il n'y avait pas de couronnement d'envisagé, si bien qu'à ma 4e dégustation j'ai failli me péter une dent lorsque je suis finalement tombée sur le concept derrière la galette en question... En fait, quand on m'a dit que ça contenait une fève, je m'attendais à un haricot rouge...

Allez-y, riez.

L'Épiphanie, c'est une tradition. J'allais dire «une tradition à découvrir», mais ne serait-ce pas un peu trop paradoxal???

Donc, je vous résume bande d'incultes-impies de mes semblables:

La fête des Rois, c'est la fête des Épiphanes (Épiphanie); c'est l'espoir d'un retour d'un ensoleillement qui sortira les dépressifs saisonniers de leur marasme. C'est le deadline de 12 jours suivants Noël qui nous permet d'enfin constater qu'il y a de l'espoir pour la classe ouvrière qui sort de l'usine à 16h30 dans la grosse noirceur hivernale.

C'est jolie comme tradition, non? Ça me donne envie d'envoyer promener toutes les autres fêtes car lorsqu'on en connaît finalement le sens, on se dit que l'Épiphanie est toute désignée pour le pauvre Québécois qui se débat avec sa nordicité si peu assumée...

Alors voilà, normalement une tradition, ça se perpétue de génération en génération. Mais grâce à ma superbe amie, j'ai décidé de devenir une génération spontanée et d'adopter l'Épiphanie.

On peut même pratiquer la favophilie. Ça sonne pervers, non?

dimanche 17 janvier 2010

Un ami me demandait récemment pourquoi j'étais toujours sur le défensive. Il cherchait ma tranche de vie digne du Le Lundi qui expliquerait mon mode opérationnel.

J'ai pris une bonne semaine avant de lui répondre d'ailleurs n'importe quoi. Je sais toujours pas quoi répondre à ça.

C'est un minimum de carapace pour affronter les baffes de quotidien?

C'est une façade boboche pour masquer mon tempérament soumis?

Je n'arrive pas à envisager une autre façon d'être. À moins de souhaiter être écrasé par la vie, il faut la voir venir, non?

La défensive, c'est une espèce de discipline, de rigueur que l'on s'impose. Ça permet de voir venir les coups.

C'est comme recopier dans sa tête des milliards de fois «méfie-toi».

Ça aiguise le radar.

On est ainsi rarement estomaqué.

Ça garde la tension artérielle à un niveau décent même lors d'épisodes de stress intense.

La bonne question à poser me semble au contraire être pourquoi mettre la défensive de côté?!

L'approche défensive désarme le potentiel adversaire avant même qu'il ait pensé à ramasser sa verve.

La défensive, c'est aussi un excellent test de dépistage à poseurs. Croyez-moi, le malaise est intense; ils ne récidivent pas ou ils y repensent avant de s'ouvrir le clapet...

Vive la défensive! La vulnérabilité, c'est pour les fillettes!

Bon ok disons que la vulnérabilité, on réserve ça à ceux qui ont sans le savoir passé avec succès tous nos tests super ardus du mérite de la confiance.

Ça te va comme réponse Steven; c'était assez braqué??

mardi 12 janvier 2010

Je lui dis que l'éclairage est creepy et que ça ferait une photo super fuckée, il me fait la tête pour aller avec...

Je ne lui demande pas, il comprend. Tant mieux, car ça aurait été tellement banal s'il avait souri.

Il me connaît, comme s'il m'avait tricoté (dans les faits, c'est moi qui l'ai tricoté).

La complicité, c'est ces petits riens qui font qu'on se comprend, à demi-mot ou sans mots du tout.

C'est le sourcil levé un peu haut que l'autre interprètera judicieusement comme le signal de rester dans son territoire.

C'est connaître le seul mot qui réussit à désamorcer l'autre.

Et les mots pour finir ses phrases.

Bon, certes, lorsqu'on vit avec quelqu'un, ça devient aisé de le deviner et d'en être complice, pour peu qu'on le veuille bien entendu.

Mais en réalité, ça va souvent au-delà de la quotidienne proximité physique.

Sans nécessairement connaître quelqu'un par coeur (ce qui en soit est vachement triste), il y a des gens qu'on saisit tout de suite; on les ressent, carrément. On flaire leur essence; c'est comme la cannelle dans la tarte aux pommes, en plus de sauter au nez, cela va de soi...

Et puis, c'est rassurant puisque familier.

À force de complicité, on finit par ne plus savoir si notre réaction nous appartient ou si elle constitue une projection née de l'autre.

vendredi 8 janvier 2010

Je savais déjà que rien n'est éternel.

Je sais maintenant que tout a une fin.

En fait, je l'ai toujours su mais je l'occultais.

Comment vivre sinon?

J'oscille entre deux émotions pour finalement n'en éprouver aucune. Je ne sais plus ce que ça me fait de le savoir. Ou de me le rappeler.

Ça tourbillonne tellement vite dans ma poire. Je cours, je nage, je roule, je bois, je dors, je lis, je prête, je mange, je pense...

Je suis toujours en train de courir après quelque chose. J'occupe mon disque dur afin qu'il ne défaille pas. Mon amie Bambou appelle ça la peur du vide.

Puis parfois, je déclenche.

C'est juste à ce moment-là que je m'arrête; je capte donc je fige.

Est-ce que Val le sait?

Ou est-ce qu'elle le savait au moins quand ça comptait?

Et l'autre qui s'est tout de même donné la peine de ce décalque, il en pense quoi maintenant?

Est-ce qu'on sait vraiment le savourer quand ça arrive ou est-ce qu'on en oublie l'éphémère?

Je sais bien que je ne tuerai jamais ce que mon amie Nathalie appelle ma belle naïveté. Et c'est tant mieux je suppose. C'est grâce à elle que j'arriverai à oublier toutes les conneries qui me tenaillent en ce moment.

Allez, je vous laisse mijoter là-dessus, je vais aller courir pour rattraper quelque chose d'autre...

vendredi 1 janvier 2010

Entendu la semaine dernière à la radio:

Lorsqu'on regarde dans le rétroviseur, on voit tout à l'envers.

C'est pas que j'ai décidé de prendre ça au pied de la lettre (de toute façon, y'a pas de rétro sur mon vélo), mais je me suis dit que ça me serait stérile que de me repasser en boucle tous les coups de théâtre de mon année nouvellement expirée.

Des fois, la vie nous fait une fleur en nous disant «Aye!, ça va faire le neutre plate! Enwèye, pète-toi la yeule sur le bord de la chaîne de trottoir! Tu vas voir ça va saigner en masse pis ça va peut-être même s'infecter, ton dérailleur va être scrap, le chauffeur de la 430 à boutte de t'avoir sur sa route tous les soirs va être mort de rire, d'autres vont peut-être même secrètement se dire «Crisse de folle, quossé qu'elle a à rouler dans la neige aussi, ça fait 2 vélos qu'elle se fait voler, a pas encore compris cibole!»»

Mais lorsqu'on ne regarde pas trop dans le rétroviseur, on se dit plutôt «J'ai sombré dans ce qui me semblait être le plus inquiétant des abîmes, j'ai perdu tous mes repères, mon pilote automatique est irrémédiablement kaput, je vais devoir réapprendre à nager seule pour éventuellement émerger de la bouette et comprendre c'est quoi la liberté».

Et quand on se donne le droit à ça, ben la grosse vie vache vous fait plein de cadeaux-surprises puisqu'on a finalement décidé qu'on en méritait. Des gros cadeaux comme un... comme un calendrier de 15 mois, tiens. Un beau calendrier de boulot avec 2 mois de Juillet, d'Août et de Septembre.

Une belle perspective: 2 étés à venir pour 2010. Sérieux. Il n'y a que moi dans la baraque qui en a eu un comme ça.

J'ai décidé que ça voulait dire que la vie me gratifiait de davantage de temps. Du temps pour moi. Puisque j'avais maintenant établi combien la vie pouvait être savoureuse, on allait m'accorder plus de temps pour en abuser.

Ou bien, c'est qu'elle me donne du temps pour en rattraper du perdu. Perdu à stagner.

Hier, la fenêtre de ma chambre avait l'air de ça. J'ai pris 5 minutes de mon peu de temps de matin de boulot pour m'arrêter et immortaliser cette jolie perspective givrée sur ma cour arrière. J'ai bien fait car ce matin le givre avait disparu.

C'est ça le plus important finalement. Si l'on s'arrête pour constater ce qui est chouette MAINTENANT, on oublie d'appréhender ce qu'il y a en avant et d'être amer en regardant dans le rétroviseur.

Et fuck les bilans de l'année.

Je vous souhaite de vous consentir une année toute pleine de petites révolutions. Il n'est jamais trop tard pour se rappeler combien nous sommes libres.