mercredi 13 octobre 2010

J'ai souvent l'impression d'avoir un objectif à la place des yeux.

Un zoom. En macro, plus souvent qu'autrement.

Mon champ de vision est un cadre divisé en 9 rectangles identiques.

Je croise des centaines de personnes sur un trottoir achalandée et je ne vois qu'une cicatrice sur une main.

Les arbres sont en fleur dans le parc mais je ne remarque que l'écureuil à trois pattes qui gosse avec un mégot de cigarette.

Je ne regarde plus, je cadre.

J'arrive difficilement à entrevoir the greater picture. Le paysage se soustrait à mon attention.

Et c'est insidieux car ça finit par structurer ma pensée.

L'ensemble m'échappe. Je n'arrive plus à le saisir. Je m'arrête à un détail qui me plaît et lui donne une importance démesurée.

J'y trouve l'infiniment beau et je me limite volontairement à ça.

Si je m'écoutais, je ferais de la photo microscopique.

Le pire c'est que plus l'on focalise sur le détail, plus l'on perd en profondeur de champ.

Le pissenlit se métamorphose en fabuleuse plume sphérique au détriment de l'herbe qui devient un amoncellement difforme de pixels verts.

On perd en perspective. Au sens propre comme au sens figuré.

J'ai probablement peur de l'ensemble. Je ne veux pas risquer de frayer avec le banal, le décevant.

Le détail est certes une partie de la réalité mais en en étant par définition qu'une infime partie, il finit par la déformer.

Mais quelle déformation magique!

Je recite mon ami Dominique: ... vraiment l'art de la photographie est de capturer le beau côté des choses et voir le monde comme personne ...

Tant pis si je n'arrive plus à me sortir le cadre de la rétine.

M'en fous dans le fond. C'est beau dans mon univers parallèle.