dimanche 20 février 2011

Vous savez cette agaçante question que tout le monde s'est fait poser à un moment donné:

«Si tu devais renoncer à un sens, lequel serais-tu le moins malheureux de perdre???»

Moi je choisis en général de me la poser à l'envers et de plutôt me questionner sur celui qui représenterait une plus grosse perte de jouissance dans ma vie.

Et non, ce n'est pas la vue.

Bien que je trouve tout parfait dans cette image: la texture du cuir sur la dragonne, la subtilité du Canon qui se reflète dans mon vieux Konica, le sursaturation générée par la loupe ou le fait qu'il s'agisse d'un média visuel représentant un média visuel, je crois que j'arriverais aisément à graver cette image dans mon disque dur vieux de 40 ans en en conservant à jamais tous les détails.

Mais je ne crois pas que mon pouce arriverait à se rappeler de l'effet de la cuirette recouvrant le boîtier ou de la tension ressentie lorsqu'on recharge le film ou de tout autres de ces belles manipulations propres à un 35mm.

Je n'arriverais certainement pas non plus à me remémorer la dureté de mes quadriceps après 9 km de course.

Ou de la sueur qui vous chatouille en vous coulant dans le dos.

De ce couloir de vent rafraîchissant à l'approche d'un train, dans le métro.

De l'étreinte dispensée à cette robe en velours dans le magasin.

De l'autre qui vous touche, finalement.

Et puis il y a tous ces petits plaisirs masochistes que seul le toucher consent et que je risque d'oublier:

Les paupières lourdes lorsqu'on n'a pas assez dormi.

Le baume qu'on applique sur les lèvres qui brûlent depuis déjà un bon moment.

Masser un genou meurtri.

Les hommes mal rasés qui vous râpent les joues.

Plonger dans une piscine glacée.

Se gratter jusqu'au sang.

Il n'y a rien qui témoigne davantage de mon sentiment d'être vivante que l'empreinte indélébile laissée par trois milliards de stimulus sur mon épiderme.

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